Au-delà des Ombres
Le Multivers selon Roger Zelazny

Texte : Pierre Zaplotny
Dessins : Florence Magnin et Philippe PlualTexte intégral

DRAGON Magazine n°19 © 1994 TSR

   Tout ce que vous imaginez existe quelque part. Si fous que soient vos rêves, il existe un monde où ils sont réalisés. Mais seuls les seigneurs d'Ambre détiennent le pouvoir de voyager dans l'infini des possibles.


   "Il n'y eut pas de commencement. Le Chaos Originel fut à la base de Tout. Seul, il subsistera après que Tout aura été fini... ... Il te suffira de te rendre sur un des derniers îlots de stabilité qui bordent le fin fond des Cours du Chaos. Tu iras t'asseoir au bord du gouffre, ta face tournée vers le lointain. Sous ton regard de néophyte apparaîtra le Chaos Originel : une noirceur effrayante glacera ton sang.
   ... Ce qui te semble ténèbres absolues, et qui l'est d'une certaine façon, l'Initié y voit les choses que tes yeux refusent d'appréhender. Démons majeurs, mineurs, anges multiformes, étoiles fondues, spectres terrifiants ou terrifiés nagent ou flottent au gré des courants de l'éther. Parfois, une forme immense étend ses ailes : c'est un Seigneur de l'Origine qui salue, et les Seigneurs du Chaos s'inclinent devant l'un des leurs, qui jadis refusa l'Incarnation.
   ... Sache ô néophyte que jadis, il y a plus d'éons que tu ne peux l'imaginer, seul régnait le Chaos Originel ! Il était irradié par le Logrus et le Logrus s'en nourrissait en retour. Tout était mouvement, sur lequel régnaient les Seigneurs de l'Origine. Leurs sujets étaient innombrables. Le Seigneur Dworkin se tenait à l'écart de tous. Ses pairs le tenaient pour fou, et ses sujets le craignaient plus que tout autre. Mais nul n'imaginait à quel point il était fou, ni combien il était à craindre, sinon il eut été envoyé brûler éternellement dans un replis du Logrus. Quand il commenca à créer sa Marelle maudite, seulement armé d'une breloque de cristal (dans laquelle nul ne reconnut un Oeil que la Licorne venait de voler au Serpent), on se gaussa de lui. Après, il fut trop tard. Une vague éclatante explosa, déchirant le Chaos Primordial, le ratatinant, jusqu'a ce qu'il soit confiné à une ombre misérable de ce qu'il fut."
   Divers extraits du Livre de l'Impétrant,
   Ouvrage initiatique d'une secte prônant le retour au Chaos Originel.


Comprendre le multivers

   Le lecteur aura compris : les lignes qui précèdent relatent le cataclysme qui donna au multivers(1) sa structure actuelle. Qu'advint-il des "habitants" du Chaos Originel ? La place serait singulièrement comptée dans ce qui allait en subsister. Les Seigneurs du Chaos eurent donc à choisir : prendre une forme matérielle, et accepter ainsi d'une certaine façon le nouvel ordre des choses, ou bien rester des créatures du néant, et si l'on nous pardonne ce parallèle quelque peu trivial, devenir semblables à une tribu d'indigènes arboricoles vivant dans un bosquet entouré d'immeubles. La plupart choisit l'Incarnation : ainsi naquit l'aristocratie du Chaos.
   Les créatures mineures connurent des sorts divers. Beaucoup périrent dans le cataclysme, d'autres furent "emmenées" par les Seigneurs du Chaos afin de les servir. Quelques unes parvinrent à survivre dans ce qui restait de l'odre ancien. Seule une infime minorité parvint à s'incarner par elle-même et se mit à errer, libre, dans le multivers.

   Debout près du Logrus, le jeune prince Swayvill regarda la toute nouvelle Marelle au centre de laquelle dansait Dworkin. Elle semblait s'éloigner et se brouiller tout à la fois. "Logique, se dit-il, elle est l'autre bout de l'univers maintenant". Il se mit à imaginer la façon dont il traiterait Dworkyn le jour de son châtiment. C'est alors que les objets et les lieux de ses pensées revanchardes se matérialisèrent sous ses yeux. Ainsi naquit la première Ombre, et elle fut un enfer privé.


Le Logrus ou les voies de la folie

   Aujourd'hui, le multivers présente une structure complexe mais logique. Il possède deux pôles : le Logrus et la Marelle. Autour du premier règne l'anarchie presque totale des Cours du Chaos, autour de la seconde, l'ordre presque absolu de la cité d'Ambre. Entre ces deux extrêmes existe... ce que vous voulez ! Mais nous reviendrons sur ce point.
   Parlons d'abord du Logrus, point d'ancrage des Cours du Chaos au multivers. Il trône "au milieu" des Cours (quoi que cela puisse signifier dans un univers toujours en mouvement). Décrire cet... objet ? chose ? être ? est présomptueux de notre part. Cela évoque d'abord un entrelac de couloirs en trois dimensions. Sa taille semble parfois modeste, parfois démesurée. Si l'on tente de suivre des yeux un de ses complexes tracés, on risque à tout le moins une sérieuse migraine. Le chemin est multiforme, un couloir peut mener à la fois à un carrefour à trois branches ou à une spirale étourdissante. une lumière froide, fantomatique, éclaire le Logrus sans qu'il soit possible d'en déterminer la source. Le profane détourne bien vite son regard de cette chose démentielle; c'est pourtant au travers de cette monstruosité que les Seigneurs du Chaos doivent marcher lors de leur initiation. Tous ne réussissent pas ce voyage à travers la folie, loin s'en faut.


Le chaos au quotidien

   Quelques îles de matière flottant ça et là sont les plages des Cours du Chaos. Plus on s'éloigne de la noirceur, plus ces îles sont nombreuses. Elles sont parfois reliées entre elles par des ponts arachnéens. Tout est mouvement ici. Les îles se déplacent sans s'entrechoquer, les ponts vont et viennent selon les humeurs de l'éther et des maîtres des lieux. Le ciel est un tournoiement de formes et de couleurs qui évoque le tableau de Vincent Van Gogh : Nuit étoilée. Des vapeurs (que les étrangers trouvent malsaines) emplissent l'atmosphère de fragrances subtiles.
   Les habitants des Cours prisent les édifices de style médiéval, mais leur architecture est pour le moins originale. Regardez la façade de l'un de ces châteaux : vous verrez des tours carrées. Marchez le long des murailles, et elles deviendront rondes, octogonales ou bien disparaîtront. quand vous aurez fait le tour de l'édifice (si vous y parvenez...) il n'est pas sûr que vous retrouviez votre point de vue de départ. L'intérieur est à l'avenant. Une fenêtre s'ouvre sur un désert rouge où s'entassent les squelettes d'animaux fabuleux. La fenêtre voisine donne de plain-pied sur la piscine d'un grand hôtel où batifolent de ravissantes créatures. Derrière la suivante... rien. Le reste de l'édifice comprend des couloirs en cul-de-sac aux deux extrémités, des escaliers donnant sur le vide, des salles plantées d'arbres manifestement trop grands pour la hauteur sous plafond, mais néanmoins à l'aise. Surprenant. Certains accès sont des fontaines (d'où jaillissent alternativement vin, eau et sang), des flaques de boues brûlantes, des miroirs déformants... Le visiteur originaire d'un monde plus "ordonné" laissera à coup sûr sa raison dans un tel lieu, et peut-être même sa vie quand on sait que des enfants des Seigneurs du Chaos eux-mêmes se perdent et se blessent assez souvent dans leurs propres palais.
   Les habitants des Cours sont pourtant remarquablement adaptés à leur étrange lieu de résidence. Ils affectionnent la forme humaine (tellement élégante) mais leur corps est susceptible de transformations impressionnates. Griffes, cornes, cuirs et exosquelettes les font ressembler à certains égards aux démons des mythologies de l'Ombre-Terre. Tels sont les Seigneurs et les Princes du Chaos.


La Marelle, labyrinthe mortel

   A l'autre bout de l'univers, la Marelle occupe une surface plane de cinquante mètres sur trente. C'est un élégant tracé de lignes courbes, ressemblant étrangement à ces labyrinthes imprimés dans certains magazines, et que l'on doit résoudre à la pointe du stylo. Ses lignes rougeoient comme de la braise. Les jeunes Princes d'Ambre qui désirent acquérir les pouvoirs qui sont l'apanage de leur rang doivent s'engager sur la Marelle et suivre jusqu'au bout son tracé complexe. Pour plus élégant que la traversée du Logrus, le parcours n'en est pas moins dangereux. Une hésitaion, un faux pas et c'est la mort.
   Le fantastique objet luit dans une salle souterraine du mont Kolvir, au-dessus duquel est bâti le château d'Ambre. Celui-ci domine, de ses multiples tours et de ses murailles massives la cité qui porte son nom. Ambre est une cité portuaire prospère, figée dans une éternelle fin de moyen-âge. Ses habitants, des humains aux vies fort longues et souvent agitées, n'ont aucun don pour les métiers de l'agriculture, et à peine plus pour ceux de la pêche. Ils doivent leur opulence à une marine de commerce (à voile) très active.
   Le visiteur qui sait qu'Ambre est une des deux seuls cités réelles du multivers (l'autre étant située dans les Cours) est surpris de découvrir une ville, certes agréable, mais d'apparence tout à fait ordinaire, avec son port, ses tavernes, ses commerces, ses patrouilles de gardes aux uniformes d'une propreté douteuse, ses maisons bourgeoises empilées les unes sur les autres, ses taudis, ses marchés aux fruits, au poisson, aux fleurs, et ses somptueuses demeures disséminées dans la campagne environnante. Alors que la nature même des Cours du Chaos en fait l'originalité, Ambre se distingue par sa singulière famille royale : un ancêtre qui n'est autre que Dworkin le créateur de la Marelle, son fils, le très prolifique Obéron, sept petits-fils, trois petites-filles, quelques arrières-petits-enfants et, sans doute, des kyrielles de bâtards...
   Tout ce petit monde intrigue sans fin, et passerait son temps à s'étriper si une certaine retenue (sans aucun doute inculquée avec force par Obéron) ne s'opposait au meurtre au sein de la famille(2). Mais il est toujours permis d'enfermer son frère dans une geôle puante après lui avoir fait brûler les yeux...


D'une Ombre à l'autre

   Il convient de savoir que les deux univers réels sont Ambre et les Cours du Chaos. Entre ces deux, cependant, on trouve une infinité d'univers dépourvus de substance propre, que les initiés appellent des Ombres. Chacune est une image, parfois extrêmement déformée, d'Ambre ET des Cours.
   Une Ombre telle que Kashfa est très proche d'Ambre : on y trouve le même type de société figée dans un moyen-âge éclairé. Mais l'influence du Chaos s'y fait déjà un peu sentir. Plus on s'éloigne d'Ambre, plus le Chaos gagne en puissance, et plus l'Ombre considérée sera sujette à la fantaisie et au changement. Près des Cours, les Ombres sont en proie au délire chaotique, mais l'influence d'Ambre n'y sera pas totalement nulle. Certains disent même que les extrêmes s'influencent quelque peu, que, sans le Logrus, Ambre serait complètement statique et que, sans la Marelle, les Cours du Chaos deviendraient bien vite invivables, même pour le plus chaotique de leurs Seigneurs...
   Le voyage entre les Ombres est l'apanage de quelques dizaines de privilégiés. Pour l'essentiel, ce sont les Princes d'Ambre qui ont franchi la Marelle et les Seigneurs du Chaos qui ont traversé le Logrus. Tous possèdent la curieuse facilitée de "manipuler la substance d'Ombre". Suivons un cavalier qui quitte la cité d'Ambre en direction des Cours du Chaos. Tout d'abord, il doit s'éloigner physiquement de la ville : la trop grand proximité de la Marelle d'Ambre interdit tout exercice de manipulation. C'est en général dans la grande forêt d'Arden que commence le changement. Le voyageur décide, par exemple, que derrière le rocher devant lequel il va passer, un petit bouquet de violettes se mire dans une mare d'eau claire. Et, de fait, le bouquet et la mare sont bien là... Or, un voyageur ordinaire passant au même endroit n'aurait rien trouvé derrière ce même rocher. Le cavalier, qui est un initié, vient de quitter Ambre pour une Ombre très ressemblante : il a déjà changé d'univers. Continuant ses manipulations, il décide de modifier la taille et la forme des arbres, le sentier touffu devient un chemin de terre, puis une route pavée, puis goudronnée. Une voiture à gazogène le dépasse, véhicule poussif peint de couleurs criardes. Le suivant est une Ferrari Testarossa lancée à 230 km/h. Puis le revêtement de la chaussée devient pâteux, et le cavalier doit chevaucher sur les herbes mouvantes du bas-côté. Encore un véhicule : mi-auto, mi-barque, dont les roues ruissellent de goudron fumant. Le ciel tourne au mauve, puis au jaune citron. La végétation, composée d'énormes citrouilles multicolores, respire bruyamment. Affamé, le cavalier s'arrête à une auberge où son cheval fait sensation. Tout le monde porte des salopettes à rayures, et les vêtements du voyageur sont l'objet de quolibets à peine voilés. Mais quand il sort son argent pour payer, il dispose de monnaie locale parfaitement authentique : en manipulant la substance d'Ombre, il a tout simplement "fabriqué" ce dont il avait besoin. En fait, le cavalier peut se rendre dans tout endroit qu'il est susceptible d'imaginer, et là se pose une question intéressante : l'endroit imaginé existe-t-il depuis toujours ? Ou bien est-ce l'esprit du voyageur qui lui a donné une existence éphémère, le temps de se servir de passerelle pour un autre lieu, rejetant un univers entier dans le néant après son passage ?
   Il n'est pas totalement impossible au non-initié de voyager en Ombre. La première méthode consiste à accompagner (ou bien suivre d'assez près) quelqu'un qui manipule la substance d'Ombre. La seconde est l'art des Atouts. Imaginez un jeu de tarots dont les cartes illustrées agissent comme des portes dimensionnelles. En se concentrant assez longtemps sur une image, on aura l'impression de pénétrer à l'intérieur. En fait, on rejoint instantanément le personnage ou le lieu représenté sur la carte. Mais le pouvoir de créer ces singuliers Atouts est réservé à quelques uns, pour la plupart des initiés de la Marelle ou du Logrus.


La Terre n'est qu'une Ombre

Corwyn, Prince d'Ambre    Certaines Ombres sont assez particulières - l'Ombre-Terre par exemple. Elle fut sans doute à l'origine un ectoplasme à l'existence fantomatique, jusqu'à ce qu'un prince d'Ambre, Corwyn, y soit exilé au XVIème siècle, avec sa soeur la Princesse Florimel pour le surveiller. La présence continuelle sur quatre siècles de ces deux individus "réels" a donné une certaine épaisseur à cette Ombre. Puis, un objet aux pouvoirs fantastiques, l'Oeil du Serpent mentionné au début de ces lignes, y fit un bref séjour. Un artefact aussi puissant a certainement contribué à solidifier encore plus l'Ombre-Terre. Ajoutons enfin que la Princesse Florimel y réside toujours, ce qui doit entretenir le phénomène...
   Certaines Ombres sont terrifiantes : leurs inventeurs les ont imaginées comme prisons pour leurs ennemis. La cruauté de certains de ces endroits les a fait baptiser "Enfers privés". Se retrouver projeté dans le monde du film Brazil est un sort peu enviable.
   Fort heureusement, il existe des Ombres plus sympathiques. Texorami, par exemple, où l'actuel roi Random séjournait quand, jeune Prince indocile, sa présence n'était plus souhaitée en Ambre. La mer, des boîtes de nuit, de belles bagarres, des jolies filles et des courants aériens tels qu'un planeur peut y tenir l'air du matin au soir : voici le paradis où ses responsabilités actuelles l'empêchent de retourner.
   Qu'adviendrait-il si le Logrus disparaissait ? Ou la Marelle ? Ambre se dissolverait-elle ? Serait-elle happée par le pôle chaotique, s'y fondant intimement ? Ou bien le Logrus disparaîtrait-il par contre-coup, laissant place non plus au Chaos Originel mais à un néant intégral ? Les plus savants des Initiés savent qu'ils n'en savent rien.


Intrigues au pays de la loi

   Paradoxalement, la famille d'Ambre, qui tient ses pouvoirs de la Marelle, symbole de l'Ordre, est infiniment chaotique, tandis que celle du Chaos est pétrie du sens de l'honneur et de celui des convenances. Certains comportements sont pourtant communs aux deux familles : tout le monde s'y méfie de tout le monde; et chacun a pensé, pense ou pensera s'emparer du pouvoir. Bien que la Princesse Llewella ait quitté Ambre pour se retirer à Rebma(3), pas un de ses frères ou soeurs n'ira croire un seul instant qu'elle a renoncé à toute ambition personnelle. Même méfiance vis-à-vis de Corwyn : certes, il semble avoir traversé de rudes épreuves et, en lisant le récit qu'en a fait Merlin, son fils, on ne peut qu'être saisi de pitié. Mais si ces épreuves s'avéraient exagérées ou même inventées ? Si Corwyn avait monté une histoire insensée pour faire oublier la réputation détestables qui lui collait à la peau ?
   
La famille royale d'Ambre semble de prime abord au-dessus de tels soupçons. Ainsi, l'actuel Roi Random, benjamin des enfants légitimes d'Obéron : avant de recevoir sa couronne (dans des circonstances ô combien tragiques !), il fut persécuté par ses frères - et cela l'a rendu plus humains pense-t-on communément. Sa femme aveugle, Vialle, née en Rebma, est tenue pour douce, bonne et loyale. Mais n'est-elle pas manipulée par la reine Moire, souveraine de l'Ambre océane ? Si Vialle n'était qu'un agent dont la mission est de préparer l'inféodation d'Ambre à Rebma ? Si le roi Random était sous le joug d'un sortilège exotique ? Et dans quelle mesure Llewella pourrait-elle être impliquée dans ce complot ? Un habitant de l'Ombre-Terre aurait du mal à prendre de telles conjectures au sérieux; mais qu'elles soient fondées ne surprendrait nullement un Ambrien habitué à vivre dans un climat d'intrigues permanentes.
   Le drame du royaume de l'Ordre est que trahison, revirements d'alliance, double langage et serments ambigus sont monnaie courante. Seule la menace d'un cataclysme cosmique pourraient rassembler la famille face au péril. Même alors, certains seraient capables d'en profiter pour pouvoir pousser quelques-unes de leurs pièces personnelles sur l'échiquier du pouvoir.
   Alors, les Princes d'Ambre seraient tous des... "pourris" ? Il convient de nuancer quelque peu. Il semblerait que l'aîné, Benedict, soit si puissant qu'il aurait pris le trône depuis longtemps s'il l'avait convoité. Il semblerait que la Princesse Fiona soit plus attirée par les charmes de la magie que par ceux du pouvoir. Il semblerait que Gérard se contente de ses vaisseaux et Julian de la forêt d'Arden. Peut-être - mais ce n'est qu'un hypothèse - les dix enfants vivants d'Obéron sont-ils en train de devenir adultes ? Ils intrigueraient alors pour se protéger de leurs pairs et préserver l'équilibre existant. Si vis pacem, para bellum.(4)


   L'ordre du Chaos

Borel, Grand Duc des Cours du Chaos    La noblesse des Cours du Chaos n'est pas moins portée sur l'intrigue, mais tellement plus raffinée : si les Cours ont été créées en même temps qu'Ambre, les Seigneurs du Chaos qui s'y incarnèrent étaient déjà immensément anciens. Leur civilisation, une monarchie autoritaire mais vouée à composer avec la noblesse, avait atteint la maturité alors que Dworkin engendrait Obéron. Les Ambriens seraient donc, du point de vue des Cours, des enfants certes brillants et pleins de promesses, mais totalement immatures.
   Les affrontements violents sont rarissimes dans les Cours, pour la simple raison que les familles nobles sont pléthores, qu'elles comptent chacune d'innombrables membres et que tout conflit entre elles serait très destructeur. Il y eut cependant quelques-unes de ces guerres. Elles furent soumise à l'autorisation du Roi, se déroulèrent sous Son arbitrage et s'arrêtèrent à Son ordre.
   La vie du Souverain n'est pas précisément sacrée, mais il n'est pas évident que le vieux Roi Swayvill ait été assassiné (en fait, il agonisait depuis des années, et sa mort lui fut une miséricorde), les héritiers présomptifs attendirent le décès du roi avant que de commencer à s'entre-tuer, non sans un certain formalisme élégant, du genre qu'affectionne le Seigneur Mandor.
   Mandor quitte rarement sa forme humaine, celle d'un bel homme au visage juvénile surmonté d'une magnifique chevelure d'un blanc pur. Elégant, cultivé, raffiné, il applique sa maîtrise de la magie à l'art de bien vivre, et plus particulièrement à celui de la table. Mandor peut servir un somptueux repas en claquant dans ses mains. Bien placé sur la liste des successeurs du roi Swayvill, il a renoncé à ses droits, préférant ses chères études, ses livres, les arts de la table et... les femmes. On chuchote que la Princesse Fiona, sorcière d'Ambre, a succombé au charme du Seigneur Mandor, du Chaos. A moins que ce ne soit l'inverse. Ou alors, cette union scellait peut-être une étrange alliance...
   Car sous ses airs mondains, Mandor est un politicien retors, dont on pourrait dire qu'il est digne de Machiavel s'il n'avait effectivement été Machiavel, sur l'Ombre-Terre. Pourquoi figurer sur la liste des prétendants au titre, place digne de celle des pipes sur un stand de tir, alors qu'il est si commode de rester en coulisse à tenir la carabine et à tirer les ficelles ? Un tel type de raisonnement est certes assez courant dans les Cours du Chaos. Ce qui l'est moins, c'est l'extraordinaire prescience que révèle la plus que probable alliance de Mandor avec Fiona d'Ambre. Imaginez la puissance qu'atteindraient deux magiciens brillants, connaissant chacun les moindres arcanes du pouvoir de leurs camps respectifs, alliant à leur profit les forces d'Ambre à celles du Chaos. Imaginez la puissance de leur (éventuelle) descendance.


   Le jouet des puissants

   Entre Ambre et les Cours s'étendent les infinis territoires d'Ombre, qui sont le terrain de jeu des Princes et des Seigneurs : ni plus, ni moins. Cette vérité n'a rien de réconfortant pour nous qui habitons les Ombres. Le fait que le Prince Benedict aille y découper des gens (qui sont nés, ont été enfants, ont grandi, ri, pleuré, vécu) et ce, simplement pour essayer le tranchant d'une nouvelle arme donne la mesure de notre importance à ses yeux. Et l'on frémit en pensant que les Seigneurs du Chaos savent détruire une Ombre entière d'une simple incantation. Bien sûr, certains princes aiment les Ombres qu'ils ont créées, comme on aime son chien parfois plus que de raison (celui qui démolirait Texorami aurait affaire à Random !)
   Nous ne disposerons jamais des fantastiques pouvoirs de ces aristocrates. Un habitant d'Ombre ne traversera JAMAIS la Marelle, non plus que le Logrus. Il y serait immédiatement détruit. Si, par hasard l'un d'eux y parvenait, c'est qu'il serait bien plus qu'il ne voudrait le dire, il ne serait pas Ombrien.


(1) Le multivers est l'ensemble de tous les univers existants. Tous les auteurs n'en ont pas la même conception : celle que nous présentons ici s'accorde, bien sûr, avec le cycle d'Ambre, mais on pourra comparer les idées de Zelazny avec celles de Moorcock ("Ouvrez, si vous l'osez", DRAGON Magazine n°7) et avec la théorie des plans et des sphères qui sous-tend le Multivers AD&D (voir notamment le dossier Spelljammer de notre n°15). [retour]

(2) Un interdit qui n'est pas toujours respecté puisque cinq enfants d'Obéron seraient morts assassinés. [retour]

(3) Rebma, ou Erbma, est un lieu très particulier. Il ne s'agit pas d'une Ombre mais du reflet d'Ambre dans l'océan. [retour]

(4) Si tu veux la paix, prépare la guerre. [retour]

 
La Licorne d'Ambre ornant le dos des Atouts
 

Comprendre le multivers

Cette illustration schématique mais commode représente le multivers sous la forme d'un disque. Ambre, au centre, et les Cours du Chaos, à la périphérie, sont les seuls mondes réels. Les univers-ombre occupent les différents secteurs du disque. A proximité du centre, les ombres sont peu nombreuses et ressemblent à Ambre; lorsqu'on s'en éloigne, elles se multiplient et subissent l'influence grandissante du Chaos. Notre Terre se trouve à mi-chemin entre ces deux pôles.
Au-delà des Cours du Chaos s'étire une mince bande de noirceur: c'est là tout ce qui reste du Chaos originel.

 
Dworkin

Le Roi des Cours du Chaos Swayvill

La Licorne d'Ambre

Le Roi d'Ambre Obéron

La Princesse d'Ambre Llewella

La Licorne d'Ambre

La Princesse d'Ambre Flora

Le Prince d'Ambre Julian

La Licorne d'Ambre

La Princesse d'Ambre Fiona

Le Prince d'Ambre Brand

La Licorne d'Ambre

La Princesse d'Ambre Deirdre

Le Prince d'Ambre Corwyn

La Licorne d'Ambre

Le Prince d'Ambre Eric

Le Prince d'Ambre Caine

La Licorne d'Ambre

Le Prince d'Ambre Random

Le Prince d'Ambre Gérard

La Licorne d'Ambre

Le Prince d'Ambre Benedict

Le Prince d'Ambre Bleys